Les cellules souches contenues dans le sang placentaire peuvent donner naissance à toutes les cellules du sang. Il est utile de les conserver, mais elles ne peuvent pas tout soigner, contrairement à ce que laissent croire certaines entreprises privées.
Noël MILPIED
Le sang placentaire, qui reste dans le placenta et le cordon ombilical après l'accouchement, fait à nouveau parler de lui. Il y a quelques années, des hématologistes ont fait prendre conscience à la société que l'on jetait jusqu'alors une précieuse ressource, et qu'il fallait la garder. Et depuis, le sang des cordons ombilicaux est conservé dans des banques de sang placentaire, dédiées aux malades de tous pays. Un réseau international solidaire met à la portée de toutes les équipes internationales de greffe la possibilité d'utiliser des cellules compatibles pour leurs patients. Le nombre de cordons conservés est encore limité, mais la France, du fait des critères de qualité retenus pour les greffons de sang placentaire conservés, est le deuxième pays au monde permettant de fournir des cellules aux patients du monde entier ayant besoin d'une greffe.
Or, aujourd'hui, des sociétés privées tentent de faire croire à de jeunes parents qu'ils devraient leur confier le sang placentaire de leur nouveau-né, au prétexte qu'il pourrait soigner un jour cet enfant s'il venait à être malade. C'est une escroquerie contre laquelle nous nous élevons. Et ce pour de nombreuses raisons que nous allons examiner.
Dans ce sang, qu'il est possible de recueillir juste après la naissance du bébé quand le cordon a été coupé, on trouve des cellules sanguines (globules rouges, globules blancs et plaquettes) ; des cellules du système immunitaire encore immatures puisqu'elles n'ont encore jamais été confrontées à des antigènes venus de l'extérieur ; et des cellules souches hématopoïétiques, c'est-à-dire des cellules capables de donner naissance à toutes les cellules sanguines. Ces cellules souches hématopoïétiques sont exactement les mêmes que celles qui existent dans la moelle osseuse de tout individu, douées des mêmes capacités de prolifération et de différenciation en cellules sanguines. Il ne s'agit pas de cellules souches embryonnaires.
La greffe de cellules souches hématopoïétiques est généralement nommée greffe de moelle, parce qu'il y a 40 ans, quand ce traitement a été mis au point, la seule source de cellules souches hématopoïétiques était la moelle osseuse. Ce traitement est utilisé pour traiter de nombreuses maladies cancéreuses – telles que les leucémies aiguës, les lymphomes, etc. – quand les traitements classiques ne sont pas assez efficaces, des maladies congénitales, qui affectent des cellules produites normalement par la moelle osseuse, des déficits immunitaires, etc.
Dans tous les cas, il faut plusieurs conditions pour que ce traitement soit efficace : pour les maladies cancéreuses, en particulier les leucémies aiguës, il faut détruire le plus possible de cellules malades au moyen de chimiothérapies, puis réaliser la greffe avec les cellules normales d'un donneur (le plus compatible possible au niveau de son système hla, le système du « soi ») ; parmi les cellules greffées, des cellules immunitaires sont capables de reconnaître les cellules leucémiques restantes du receveur et de participer à leur destruction totale. Cela n'est possible que si les cellules souches hématopoïétiques proviennent d'un donneur qui n'est pas le patient lui-même.
Quand il s'agit de traiter une maladie génétique, il faut que les cellules injectées ne portent pas l'anomalie que l'on veut corriger ; là encore, ce n'est possible que si les cellules injectées sont issues d'un donneur qui n'est pas porteur de l'anomalie que l'on veut corriger. Ainsi, une greffe « autologue », c'est-à-dire provenant du sang placentaire du patient lui-même, est tout à fait inutile pour ces maladies malignes ou génétiques.
Pour satisfaire les critères de compatibilité, le donneur est recherché d'abord dans la fratrie, quand elle existe. En effet, selon les lois de la génétique, c'est parmi les frères et sœurs d'un patient que l'on a le plus de chances de trouver un donneur ayant reçu en héritage les mêmes antigènes du soi que le receveur. En l'absence d'un tel donneur, on cherche une alternative, c'est-à-dire un donneur volontaire inscrit sur les registres nationaux et internationaux, présentant les mêmes antigènes du système hla que le receveur.
Compte tenu de la diversité des antigènes de ce système, la chance de trouver un donneur volontaire pour un patient est d'environ une sur un million, pour un Européen ou un Américain, moins encore pour les patients d'origines ethniques différentes. Quand un tel donneur n'existe pas, on se tourne alors vers les banques de sang placentaire pour réaliser la greffe nécessaire.
Pourquoi utiliser des cellules du sang placentaire ? D'abord parce que – nous l'avons évoqué – elles contiennent, d'une part, les cellules souches hématopoïétiques capables de fabriquer des globules normaux et, d'autre part, les cellules du système immunitaire qui, bien qu'immatures, pourront très vite, au contact des cellules du receveur, reconnaître les cellules malades du receveur et les détruire. Enfin, il n'est pas nécessaire de respecter une compatibilité parfaite des éléments du soi entre les cellules du sang placentaire et le receveur, en raison de leur immaturité immunitaire transitoire. Reste que l'utilisation de sang placentaire pour réaliser une greffe de cellules souches hématopoïétiques se heurte à une difficulté majeure : pour que la reconstitution des cellules hématopoïétiques soit de bonne qualité, les cellules souches du sang placentaire doivent être nombreuses. Si la quantité de cellules est insuffisante, la reconstitution ne se fera pas, ou trop lentement. Aujourd'hui, seuls 30 pour cent des sangs placentaires prélevés sont suffisamment riches en cellules.
Peut-on utiliser les cellules du sang placentaire pour d'autres indications ? Oui. Divers travaux ont montré que des cellules souches hématopoïétiques contenues dans le sang placentaire peuvent se différencier en cellules musculaires, nerveuses, etc. Mais cela est également possible aujourd'hui avec des cellules prélevées facilement et en beaucoup plus grande quantité dans la peau, par exemple, que dans le sang placentaire. Il est donc inutile de mettre en avant cette possibilité de transformation pour inciter à une conservation du sang placentaire à visée personnelle. Aujourd'hui, aucun des arguments avancés par les sociétés privées pour convaincre des parents de conserver le sang placentaire de leur nouveau-né n'est scientifiquement valide.