Soumise à un stress, telle la modification de son environnement, une cellule réagit plus ou moins rapidement pour assurer sa survie. Chez la levure, cela passe par une succession de réactions connues, mais dont la dynamique n'avait jamais été étudiée. C'est désormais chose faite grâce au chercheur CNRS Pascal Hersen(1) et à ses collègues américains de l'Université de Harvard(2). Après avoir mis au point un dispositif de mesures simple et innovant, les scientifiques ont confirmé l'hypothèse selon laquelle au-delà d'une certaine fréquence de stimulation, la cellule de levure ne répond plus à un stress osmotique(3). Les chercheurs sont dorénavant capables de mesurer la vitesse de réaction pour ce stress, et surtout, de modifier celle-ci en supprimant certains gènes.
Ces travaux ouvrent de nouvelles perspectives en ingénierie du vivant. L'idée est de construire des cellules aux fonctions biologiques novatrices et dont la dynamique est contrôlée. Ils sont publiés en ligne sur le site de la revue PNAS.
Il suffit d'un peu de sel sur une cellule pour que celle-ci rapetisse ! Ce phénomène s'explique par une différence de salinité entre l'intérieur et l'extérieur de la cellule. Et, pour rétablir l'équilibre entre ces concentrations, la cellule largue de l'eau, ce qui réduit sa taille… Afin de retrouver une dimension normale, la cellule met en œuvre une série de réactions indispensables au bon fonctionnement de ses processus de régulation et d'adaptation. Chez la levure Saccharomyces cerevisiae, un système eucaryote(4) modèle, cette cascade est bien décrite. Mais sa dynamique reste méconnue. Or, une cellule se doit de réagir à la bonne vitesse pour assurer sa survie. Comprendre la dynamique de la réponse cellulaire à un stress environnemental est donc essentiel.
Pour cela, Pascal Hersen, chargé de recherche CNRS au Laboratoire "Matière et systèmes complexes" (CNRS / Université Paris 7), et ses collègues américains ont choisi d'étudier comment et à quelle vitesse la levure répond et s'adapte à un stress environnemental. Grâce à un dispositif simple permettant de suivre le comportement de cellules individuelles, ils ont créé un environnement qui introduit un déséquilibre de manière périodique. C'est ainsi qu'ils ont réussi à déterminer les propriétés dynamiques de la réponse cellulaire.
Première observation : lorsque la fréquence est trop élevée, la taille des cellules ne change pas. Le transfert d’eau à travers la membrane cellulaire n’a tout simplement pas le temps de se faire. A l’inverse, pour des fréquences plus faibles (introduction d'un déséquilibre toutes les 10 secondes), les cellules rapetissent et gonflent périodiquement en suivant fidèlement les fluctuations de ce déséquilibre. Toutefois, dans cette gamme de fréquence, la cascade de réactions n’a pas le temps d’être activée entre deux cycles. Il y a donc un découplage entre réponse mécanique et réponse biologique. Ce n'est qu'au-delà d'une période de l'ordre d'une dizaine de minutes que les réactions biologiques sont activées et se succèdent "naturellement", tout en étant couplées à la réponse mécanique de la cellule. Cette fréquence est donc caractéristique de la dynamique de réponse chez la levure, celle-ci étant incapable de suivre fidèlement les changements trop rapides de son environnement en-deçà de 10 minutes.
Enfin, en supprimant certains gènes de la levure, les chercheurs ont montré que cette cascade peut être ralentie significativement. Loin de s'arrêter en si bon chemin, ils espèrent comprendre comment l’abondance et la nature des protéines influent sur la dynamique de ces réactions, et pourraient, à terme, être capables de les accélérer ou de les ralentir. Cette maîtrise offre de nouvelles perspectives en biologie "synthétique"(5) pour concevoir des cellules aux fonctions novatrices, dont la dynamique de réponse face à un stress est contrôlée