Une équipe japonaise a obtenu des clones de souris à partir d'animaux morts et congelés depuis une semaine, un mois... et 16 ans. La technique est nouvelle et prometteuse, d'autant que ces souris avaient été congelées sans traitement cryoprotecteur.
A quand le
mammouth ? Les auteurs japonais qui rapportent leurs résultats dans la revue scientifique
Pnas évoquent eux-mêmes cette possibilité, même si elle reste très hypothétique. L'équipe de
Teruhiko Wakayama, du Centre de biologie du développement Riken, à Kobe, s'en est effectivement rapprochée en obtenant des souris vivantes par
clonage d'animaux morts et congelés depuis une semaine, un mois et 16 ans, à -20°C et sans aucune cryoprotection. Dans ces conditions, l'eau contenue dans les cellules et dans le milieu intercellulaire forme des cristaux au moment de la descente en température, augmentant considérablement la concentration du milieu encore liquide. Avec la formation de cristaux d'eau, qui augmente le volume, cet effet de la congélation conduit à la destruction définitive des cellules. Lors de la congélation de tissus vivants, on l'évite à l'aide de cryoprotecteurs, des
molécules de diverses natures, qui ont pour effet de déshydrater partiellement le milieu intracellulaire. En théorie, les souris congelées de cette expérience auraient donc dû constituer de biens piètres donneuses d'
ADN.
Mais les chercheurs ont fait appel à une technique inhabituelle. Au lieu de réaliser une suspension cellulaire des tissus prélevés, ils les ont plongés dans une solution ayant la propriété de séparer les noyaux (NIM,
nuclear isolation medium). Ces noyaux ont ensuite été transférés dans des
ovocytes énucléés prélevés sur des souris vivantes. Au passage, les chercheurs ont pris le soin de vérifier que le milieu ne recélait aucune cellule ayant pu survivre à la congélation, démontrant que l'ADN injecté dans les ovocytes est donc bien celui des noyaux.
Les scientifiques ont utilisé plusieurs organes donneurs. Curieusement, les meilleurs résultats ont été obtenus avec les
neurones. Aucune explication certaine n'est donnée mais les chercheurs avancent l'idée que les neurones résistent mieux à la congélation grâce à leur richesse en
glucose. L'hypothèse est plausible puisque les
glucides et les
glycoprotéines font partie des cryoprotecteurs habituels.
Cette jolie petite souris brune est née du clonage de noyaux cellulaires provenant du cerveau d'un mâle mort en 1992. © National Academy of Sciences, PNAS (2008)Déjà une descendance Les ovocytes, une fois le matériel
génétique injecté, ont été mis en culture puis transférés dans une mère porteuse. A partir des animaux congelés depuis une semaine et un mois, respectivement trois et cinq naissances ont ainsi été obtenues. Mais les neurones prélevés sur le mâle C3H/He (ainsi est-il nommé par l'équipe), au congélateur depuis 16 ans, n'ont rien donné...
Pour compléter l'expérience, les chercheurs japonais ont alors opéré en deux temps. Les noyaux prélevés sur les animaux congelés ont d'abord été transférés dans des
cellules souches embryonnaires pour produire plusieurs lignées cellulaires. Dans un second temps, des noyaux de quelques-unes d'entre elles ont été prélevés et injectés dans des ovocytes énucléés. Cette fois, le mâle C3H/He, mort en 1992, a pu être correctement cloné. Quatre petites souris sont nées mais deux seulement ont survécu (l'une est morte d'insuffisance respiratoire et l'autre a été dévorée par sa mère). L'une des deux survivantes, une femelle, s'est déjà reproduite avec un mâle normal, démontrant qu'elle est en bonne forme.
Ce premier clonage à partir de tissus morts est un espoir de faire revenir à la vie une
espèce disparue. Mais il reste mince car il faudra alors trouver une mère porteuse et le matériel génétique doit être intact. Ce n'est jamais le cas pour des organismes fossilisés ou même naturellement congelés dans le pergélisol, comme les mammouths. On peut aussi imaginer congeler dès maintenant des animaux d'espèces en voie de disparition.